PIERRE BOURQUE ET GÉRALD TREMBLAY DEUX ADVERSAIRES DEUX COPAINS
FUSIONS, FUSIONS FORCÉES, MONTRÉAL : LES COPAINS D’ABORD
Si la loi sur les fusions municipales a provoqué toute une riposte du chef de l’opposition Jean Charest qui, s’en va jusqu’à promettre la dissolution en cas de prise du pouvoir, dans l’arène municipale, l’hypocrisie n’en est pas nécessairement à un degré plus bas. Le spectacle offert est de bas de gamme. Combien de maires opposés à la loi, se rassemblent malgré tout sous l’égide des arrondissements pour être plus libres comme candidats, puisque: conjoncture oblige, ils sont débarrassés de la multitude d’adversaires naturels qui briguaient aussi les suffrages. Les méga cités leur offrent un chef de file comme épouvantail pour cabrer leurs faiblesses. Cependant, deux cas exemplaires, honnêtes retienne mon attention. Paul Leduc à Brossard et Pierre Bourque à Montréal.
Le premier, le maire Paul Leduc de Brossard qui, j’en suis persuadé possède encore assez d’énergie et de charisme pour séduire le citoyens de la nouvelle ville de Longueuil élargie. C’est dans l’honneur qu’il se retire avec la conviction du devoir accompli. Félicitations !
Le deuxième, le maire Pierre Bourque de Montréal qui, avec son projet une île, une ville s’est démontré un véritable homme de vision. De plus, malgré la longue bataille du gouvernement du Québec contre lui, son projet s’est transformé en un de partenariat élargi. Sur cet aspect Bourque avait raison et il fonce pour accomplir son devoir. L’avenir dira le reste. C’est sur cet aspect des conséquences de la nouvelle loi que nous nous attarderons et, plus précisément pour la nouvelle ville de Montréal parce que le prochain maire aura beaucoup de pouvoir.
Deux candidats officiels connus: Pierre Bourque actuel maire de Montréal, contre Gérald Tremblay ancien ministre libéral. Deux copains, deux libéraux, deux technocrates, deux intellectuels qui se partagent des civilités. Ou du moins jusqu’à présent ! Permettez-moi d’introduire l’affaire avec une question du journaliste de Radio Canada Raymond St. Pierre : « monsieur Tremblay, vous n’avez jamais cité monsieur Bourque, est-ce que cela va se faire un jour? » Monsieur Tremblay soutenait que tout le monde voulait du contenu, il offrait alors un débat de fond. Bourque ne s’en éloigne pas non plus de cette démarche. Si les sondages les rapprochent statistiquement, personnellement, ces deux hommes ne semblent pas plus éloignés. Au contraire, la ressemblance semble primer sur leur dissemblance.
Notre analyse se base essentiellement sur la perception à partir d’observation, tout comme le public qui, ne partageant la vie intime des deux candidats, n’aura le choix que de juger sur cette base. Cependant, c’est la pertinence de notre analyse personnelle seule qui peut nous donner le meilleur des deux qui, bénéficiera du pouvoir immense de l’électorat montréalais.
Ressemblance. L’éducation, l’importance du soutien familial, les civilités, la notion du respect, le partage, …sont tous des valeurs que partagent les deux hommes.
Dissemblance. – L’aristocratie, la timidité, la distance, le populisme, les affinités multiculturelles.
Les affinités les plus récentes, selon monsieur Tremblay lui-même, remonte à la présidence de la fondation du maire qu’il occupait. Cette tâche exigeait des deux hommes des contacts harmonieux, ce qui a permis, toujours selon monsieur Tremblay, de perpétuer les activités de la fondation au profit des jeunes. C’est de là que nous essayons de comprendre ce qui a pu pousser le président de la fondation du maire à venir l’affronter directement comme concurrent à la mairie. Sans vouloir répondre à cette question précise, nous la laissons au temps, nous pouvons poser tout de même la problématique pour mieux assimiler la stratégie gagnante de Bourque et sa pertinence dans le contexte d’une globalisation des villes de la CUM. Bourque aurait-t-il été jugé inapte par ses proches pour gérer et administrer la nouvelle méga cité. Cette première phase restera observatoire puisque la campagne va bientôt commencer et que, les événements sont souvent tributaires de turbulences incompréhensibles.
La ressemblance chez les deux hommes part sur une base d’éducation qui est intimement liée au soutien familial. Les deux hommes se partagent un patrimoine qui dans leur jeunesse semble avoir été transmis avec soins. Ingénieur de formation spécialisé en gestion et administrateur Pierre Bourque est proche de la nature pour laquelle il agit avec dévotion. Avocat de formation, spécialisé en administration des affaires et en finance, Gérald Tremblay cultive le rapport d’un industriel. Deux hommes de chiffres, de calcul et de projection pour qui la finalité doit être une réussite durable. C’est peut-être cette assurance qui leur permet de se partager des civilités ceci, malgré le détachement de Gérald Tremblay. La vulgarité et le déchirement ne semblent pas faire partie de leurs armes. La notion du respect est sans aucun doute très profondément ancrée chez ces deux hommes qui, dans leur entourage en inspire la même chose. Cependant, respect ne veut pas nécessairement dire laisser faire. C’est en les observant que nous avons pu remarquer la similarité de leurs moyens de se débarrasser des sympathisants gênants. C’est la subtilité de la caméra seule qui nous a permis de retenir ce geste: repousser. Si la notion du partage est plus visible chez Pierre Bourque, elle n’en est pas moindre chez Gérald Tremblay. Cependant, les affinités de l’actuel maire avec les bases populaires le projettent plus loin dans cette notion que l’ancien ministre libéral qui nage mieux dans les milieux aisés ou industrialisés, ce qui le fait ignorer le langage des pauvres et leur réalité aussi. La complémentarité de ces deux hommes est aussi évidente que leur dernière relation à l’intérieur de la fondation du maire initié par Pierre Bourque.
La dissemblance est aussi évidente que la ressemblance, malgré moins forte. C’est peut-être là que se jouera la balance du vote. Camper dans deux bastions différents, Bourque et Tremblay ne se ressembler guère. Plus aristocrate, Tremblay éprouve beaucoup de difficultés à communiquer avec même sa base et ignore la nature réelle des problèmes du quotidien. À travers sa femme qui détient un imposant réseau de produit de beauté, il peut certainement rejoindre un important groupe de femmes. Cependant, son leadership attire plus les têtes déjà connues, les grandes structures, un de ses atouts pour la méga cité. Bourque lui-même n’avait-il pas fait appel à Tremblay à cause de son prestige et de ses compétences pour présider la fondation. De l’autre côté, Bourque plutôt populiste, nage lui-même comme un poisson dans l’eau au milieu des gens ordinaires, des petits commerçants, au milieu de ceux qui votent en majorité. Sa stratégie lui a déjà valu deux mandats. De plus, sa qualité de visionnaire a fait de lui un véritable leader populaire. N’avait-il pas raison d’aller chercher un homme comme Tremblay pour faire progresser la fondation du maire. C’est un des atouts qui peut jouer aussi en faveur de Bourque qui, dit être le plus apte à mener son projet (la méga cité) à terme.
La timidité est un autre facteur qui distingue Tremblay de Bourque. Les assemblées populaires semblent être le cauchemar de Tremblay qui éprouve encore beaucoup de difficultés à serrer les mains, à dialoguer avec les défavorisés. Selon une source fiable il a même avoué ne pas pouvoir jouer à l’hypocrite. Son style de professeur d’université lui permet d’exposer plutôt que d’enflammer. Son allocution au congrès de fondation de l’Union trahissait cette faiblesse, il donnait l’impression de se perdre quand il improvisait dans cette voie. Je le crois plus habile au débat. Bourque au contraire, malgré une certaine réserve, sait comment faire dans les bains de foule. Le contact, même à l’étroit, est pour lui un carburant. Il se développe naturellement chez lui une familiarité qui surprend. Bourque c’est l’ami qu’on est content de revoir. Il n’a pas peur, il fonce, laissant les autres derrière lui, il n’a pas peur d’un refus. Je l’ai suivi en personne à divers occasions, je demeure encore étonné. Bourque n’est pas l’homme qui s’appuie sur la machine, il est celui sur qui s’appuie la machine contrairement à Tremblay.
Bourque: une tournée dans la nuit. – La journée du dimanche 5 août, loin de toutes mes attentes a été plus fatigante que je l’imaginais. Je n’étais pas prêt. D’abord le match de soccer au Complexe Sportif Claude Robillard, des Torontois venus supporter leur équipe, les Lynx. Je l’avoue, ils m’agaçaient avec leur slogan qui laissait croire une victoire de leur équipe contre l’impact de Montréal. Comme si cette dernière devait se laisser faire. Au plus fort du match, le jeune et talentueux Patrice Bernier marquait son premier but de la saison après avoir été l’instigateur du premier but de la partie sans enlever la beauté de l’affaire à Panpadreou, le premier buteur. Impact gagnait ainsi par trois buts contre zéro. J’étais doublement fier. Je suis Montréalais comme l’Impact, de plus, je suis d’origine haïtienne comme le troisième buteur qui a signé la victoire finale pour l’Impact. Des rencontres antérieures révélaient que c’était un rêve que Patrice caressait depuis le début de la saison. Ce sentiment d’appartenance m’entraîna dans les arènes de la campagne électorale municipale, l’angle de vue la plus large de la future grande ville.
L’une des rares fois qui défiaient mes habitudes, j’étais avant l’heure. Loin d’être fier de cet exploit, je maugréais calmement en attendant l’arrivée du maire Pierre Bourque. Je l’ai rencontré déjà à plusieurs reprises. L’aura qui se dégageait de cet homme était le même que celui de la rencontre inattendue dans son bureau à l’hôtel de ville alors que j’interviewais le maire Charlemagne de Port-au-Prince. C’était en 1995. J’étais vraiment surpris de la simplicité et de la familiarité de cet homme en qui je ressentais spontanément une confiance. Pourtant, il doit certainement couver des défauts.
Cette attente n’était pas sans surprise. J’ai bénéficié, en passant pour un bénévole, d’un cours de campagne électorale 101 où, les stratégies et les méthodes de calcul du responsable de la campagne de Montréal-Nord m’informaient de l’objet de la peur des organisateurs et surtout, comment couvrir cette campagne. L’arrivée du maire Bourque chez les siens ne tarda pas à me dévoiler encore une fois le fond de la pensée Bourque. C’est un partage équitable, écartant les préjugés de race, de couleurs et de degré social.
La vitesse du maire dans la marche à pied m’a surpris tout de même. Je découvrais un élément nouveau chez cet homme. Pierre Bourque nageait comme un poisson dans l’eau en circulant dans les rue de Montréal-Nord, prenant de vitesse même les bénévoles et les autres candidats qui l’accompagnaient jusqu’au parc Pilon pour une fête à la sauce italienne. La surprise, la familiarité et surtout la tendresse qui se dégageaient de ces chaudes poignées m’impressionnèrent énormément. J’ai déjà vu un des autres principaux candidats parler à ses bénévoles avec la sensation qu’une distance énorme les séparait.
Combien d’enfants se sont jetés naturellement dans ses bras pour le saluer, le maire Bourque déambulait sans crainte dans les rues de la ville qui s’est taillée une mauvaise réputation de par le taux d’agression. Le moment fort de la soirée était sa rencontre avec le secrétaire d’état délégué aux sports amateurs Denis Coderre. Monsieur Coderre, le maire Bourque et monsieur Fritzberg Daléus principal candidat d’origine haïtienne pour Montréal Nord, se partageaient une familiarité qui dépassait une simple connaissance. C’est là que j’ai compris, les relations que partageait le maire Bourque étaient basées sur de solides connaissances acquises comme le fait de passer une fin de semaine chez de simples citoyens et c’était là sa force. D’autres rencontres comme le pique du parc Pilon et le vin dans un restaurant italien sur Pie-IX renforcèrent ma perception. C’est là aussi que je me suis dit que les adversaires du maire Bourque auront fort à faire pour l’égaler, que dire de le dépasser. L’ancien ministre Gérald Tremblay, ancien président de la fondation du maire qui, lui-même m’a avoué en entrevue les acquis réalisés par l’actuel maire, Monsieur Tremblay devra descendre vraiment dans la base pour s’assurer d’obtenir plus que des promesses mais des votes solides.
Les affinités multiculturelles sont dans cette nouvelle grande cité un facteur de réussite politique important. À ce titre-là, Bourque possède une grande longueur d’avance sur Tremblay. Parler du multiculturalisme évoque irrémédiablement le problème du racisme qui ne cache pas la discrimination exercée spécifiquement contre les noirs même à Montréal. C’est un problème grave. Depuis la loi sur l’accès à l’égalité votée à l’assemblée nationale du Québec, les mesures nécessaires, s’il y en a, ne sont pas encore probantes. La politique est un espace privilégiée pour donner l’exemple. René Lévesque l’avait fait, il y a longtemps pour le PQ qui ne l’a pas conservé. Les efforts sont louables. Cependant, Pierre Bourque demeure à Montréal celui qui en a démontré le plus. Nous ne voulons enlever les mérites de madame Kettely Beauregard qui a su se faire valoir dans un milieu blanc comme conseillère municipale mais, nos informations nous permettent de croire en le support indéfectible du maire Bourque. Ne va-t-il pas sans crainte, dormir chez des citoyens inconnus québécois comme ceux d’origine ethnique, partager du temps ainsi avec eux, brisant ainsi les murs de la peur. Bourque n’hésite pas, s’investit même à imposer une vision plus humaniste de la politique, tenant compte des valeurs de tous les citoyens sans distinction de races. La représentativité est pour lui plus qu’un discours, c’est une pratique. Tremblay est encore à ce point au même stade que les libéraux du Québec qui prennent le vote ethnique pour acquis. Nous sommes persuadés qu’il a déployé beaucoup d’efforts pour recruter des candidats valables dans la communauté noire. Les résultats parlent d’eux-mêmes: pas un seul jusqu’à présent. Selon un membre important du parti, l’octroi d’un conté gagnant demeure un élément essentiel dans la recherche des candidats désirés. Sinon, cela reste une affaire de simple figurant que les noirs dont madame Myrlande Pierre, refusent de jouer aujourd’hui.
Les temps sont jeunes, les dés ne sont pas jetés. Tout est encore possible. La communauté noire, depuis l’affaire Claudel dans Mercier est mieux organisée et, surtout veut faire compter son vote. Dans notre cas, il est certain que nous aurons à nous prononcer au moment opportun pour ne pas voter comme des moutons. Comme partout ailleurs, fusions ou fusions forcées, ce sera les copains d’abord.
Chronique en guise d’éditorial ; Journal PAMH de Montréal ISSN1496-077X, volume 1 numéro 11. Septembre 2001, Page 3. Archives situées à la BANQ, rue Berri
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